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La certification collective HVE, une démarche gagnant gagnant ?

Maintenant que le processus de certification n’a plus de secret pour nous, nous allons mettre nos bottes et partir à la rencontre de personnes qui fabriquent la certification avec les agriculteurs. L’agriculteur a le choix de partir dans la certification de manière individuelle ou collective avec d’autres agriculteurs. La certification individuelle, comme son nom l’indique, est un parcours solitaire où l’agriculteur se retrouve seul face à sa certification et son auditeur. Au contraire, la certification collective rassemble un groupe d’agriculteurs motivés par un objectif commun : la certification. Dans un monde agricole animé par un principe séculaire « d’une année égale une expérience », le collectif permet d’accélérer le rythme d’apprentissage grâce aux apports et expériences de tous les membres. La dynamique du changement n’est que meilleure. Point important, le groupe permet de diviser les coûts et d’avoir accès à des expertises ou services extérieurs qui eux aussi sécurisent la transition vers cette certification.

Mais, pas plus de bla-bla !

Après avoir ouvert le capot de la certification avec Alessandra KIRSCH, nous allons rentrer dans le moteur et comprendre comment cette certification fonctionne sur le terrain. Dans cet épisode de la story HVE, nous allons rencontrer 3 personnes qui fabriquent le processus de certification HVE au quotidien avec les agriculteurs, les organisations agricoles et les filières : M. Ghislain LEPRINCE de GAYA CONSULTANTS, Mme CECILIA GORET d’ISAGRI et M. Anaël BIBARD de FARMLEAP.

Allez GO !

Ghislain LEPRINCE, pourrions-nous faire connaissance avec vous et GAYA CONSULTANTS ?

Ghislain LEPRINCE : « Tout d’abord, je suis agriculteur depuis plus d’une trentaine d’années mais, en parallèle, j’ai toujours eu diverses activités : notamment, j’ai travaillé une dizaine d’années dans une organisation de producteurs d’endives, j’ai eu l’occasion de gérer un conditionnement de pommes de terre, etc. Et, depuis 4 ans maintenant, je suis consultant chez GAYA CONSULTANTS. Dans cette nouvelle activité, j’ai notamment co-créé ECO-PHYT’ avec le GROUPE CARRE et j’en suis devenu l’animateur avec la ferme pilote CARRE. En quelques chiffres, ECO-PHYT’ c’est 8 GIEEs, qui représentent les petites régions agricoles du secteur avec leurs spécificités et 190 exploitations agricoles au total. »

Ça fonctionne comment ECO-PHYT’ ?

Ghislain LEPRINCE : « ECO-PHYT’ est une association Loi 1901 qui regroupe tout d’abord les agriculteurs et, point innovant, nous avons fait rentrer 15 partenaires filières et métiers. Nous avons par exemple comme partenaires filières : McCain, BONDUELLE, TEREOS, etc. mais aussi des partenaires négociants comme le GROUPE CARRE, VAESKEN, CLAYE, etc. puis nous avons des partenaires métiers comme ISAGRI, FARMLEAP, WEENAT, etc. Le but d’ECO-PHYT’ est d’imaginer, de tester, de valider des idées par les agriculteurs et les filières avant d’être déployés sur les territoires. La question principale à laquelle nous devons répondre est : comment pouvons-nous réduire l’usage des produits phytosanitaires ? Nous testons de nouveaux principes agronomiques, mais aussi des nouveaux OAD (outils d’aide à la décision), des nouvelles stratégies phytosanitaires, le traitement de l’eau, etc. la liste n’est pas exhaustive. La deuxième question à laquelle nous devons répondre maintenant est : comment améliorer la vie du sol ? Nous avons maintenant un gros point agronomie en plus de la partie phytosanitaire. Concrètement, nous mettons en place des protocoles chez les agriculteurs et nous mesurons l’efficacité des différentes stratégie mises en œuvre. Et nous avons de bonnes surprises comme, par exemple, le traitement de l’eau de pulvérisation qui est une technique que nous avons notée comme efficace pour réduire les doses de produits phytosanitaires. Mais, attention, il y a aussi beaucoup d’idées qui ne sont pas validées. Par contre, ce qui est intéressant, c’est que beaucoup d’idées germent dans la tête des agriculteurs et que nous avons la possibilité d’évaluer leurs pertinences. »

Fort de l’organisation d’ECO-PHYT’, vous sentez-vous prêt pour aborder la certification HVE ?

Ghislain LEPRINCE : « Déjà, dès 2018, nous avons testé les exploitations agricoles sur la base du référentiel HVE. Le sujet de la certification HVE est entré dans ECO-PHYT’ en 2019 et nous avons lancé le processus de certification collective la même année. A l’heure actuelle, toutes les exploitations agricoles sont soit de niveau 2 ou niveau 3 de la certification. » 

Quelles sont les avantages de la certification collective ? 

Ghislain LEPRINCE : « La certification collective présente plusieurs avantages en comparaison à la certification individuelle. Le premier est que la certification collective permet de réduire la pression d’audit sur l’agriculteur. En effet, l’audit est préalablement réalisé en interne par notre structure. A la fois, nous accompagnons l’agriculteur dans la mise en œuvre d’un plan de progrès permettant d’atteindre la certification HVE et nous auditons l’exploitation agricole tous les ans. L’audit externe n’interviendra que tous les 5 ans. Le second avantage de la certification collective est le coût car l’agriculteur peut économiser 20 à 30 % sur les coûts d’audit.  Le troisième avantage est la dynamique du groupe car tout le monde partage ses résultats et progrès. L’agriculteur peut se situer dans la dynamique de groupe et développer des techniques qui donnent des résultats chez les autres. C’est un moteur à énergie gratuite et c’est le collectif, par le partage, qui alimente ce moteur. »

Le groupe réduit le scepticisme sur telle ou telle pratique ?

Ghislain LEPRINCE : « Le groupe rassure, c’est une réassurance gratuite. Ce que j’observe c’est que lorsqu’un ou plusieurs agriculteurs ont testé une méthode et qu’elle fonctionne, les autres l’adoptent beaucoup plus facilement et dans un état de plus grande confiance. Cela permet de lever des freins et d’accélérer la dynamique de progrès. Aussi, nous travaillons depuis peu la certification bas carbone qui permet d’aller encore plus loin dans le développement de nouvelles pratiques. Dans ce cas, le collectif est un booster de progrès. »

Mais finalement, avec tous les efforts que font ces agriculteurs, pourquoi n’ont-ils pas pris la décision de la certification en BIO ?

Ghislain LEPRINCE : « Tout simplement parce que les agriculteurs ont peur que le marché BIO ait atteint un niveau de grande maturité et que la rémunération des efforts ne soit pas au rendez-vous. Ensuite, nous sommes dans une typologie d’exploitations céréalières des Hauts de France avec une orientation cultures industrielles (pomme de terre, légumes, betterave, etc.) où l’agriculture BIO est peut-être un peu moins adaptée. Nous avons des agriculteurs BIO dans quasiment tous les groupes, il y a donc beaucoup de partage. Et dans les travaux que nous réalisons, nous nous rendons compte que nos pratiques se rapprochent de la BIO. Nos conclusions sont que tant qualitativement que quantitativement, notre approche nous semble plus raisonnable. » 

Alors, concrètement, quels sont les résultats de vos travaux ?

 Ghislain LEPRINCE : « Nous assistons à un changement fort des pratiques culturales. Là où les méthodes alternatives n’étaient quasiment pas présentes il y a quelques années, nous avons des agriculteurs qui sont à 75 % voire 90 % de méthodes alternatives dans leurs exploitations. La HVE nous permet ça, elle permet de sortir d’autres indicateurs que le zéro phyto et installer les agriculteurs dans une démarche de progrès. Et les consommateurs doivent bien comprendre cela, les agriculteurs sont en marche pour répondre de mieux en mieux aux nouvelles demandes. La grille de la certification HVE est un outil qui permet de mesurer l’état de l’avancement de l’agriculteur sur la gestion de ces problématiques : c’est concret et mesurable. »  

Nous sous-tendons bien que la certification HVE est avant tout une affaire de pratiques agricoles et environnementales mais aussi de traçabilité et de données collectées. La traçabilité est sujet très bien maitrisé par les agriculteurs, qui renseignent quotidiennement leurs interventions dans les parcelles, mais aussi par ISAGRI qui a développé un logiciel spécifique GEOFOLIA !

Cécilia GORET, comment le numérique facilite la vie de l’agriculteur dans son processus de certification ?

Cécilia GORET : « Pour la certification HVE, nous nous appuyons sur notre logiciel de suivi parcellaire GEOFOLIA. En effet, ce logiciel est le tableau de bord de l’agriculteur car il rassemble la totalité des parcelles et des interventions qui y sont réalisées. Pour la certification HVE, GEOFOLIA calcule en automatique les indicateurs clés et permet de mesurer l’état d’avancement de l’exploitation dans son processus de certification.  Si nous prenons l’exemple du pilier « Biodiversité », nous avons développé sur GEOFOLIA des algorithmes qui permettent, via des cartes satellitaires, de mesurer automatiquement les infrastructures agro écologiques présentes sur l’exploitation : l’agriculteur obtient très facilement son évaluation et peu définir, le cas échéant, un plan de progrès. Aussi, si nous prenons le thème de l’application des produits phytosanitaires, grâce à la saisie réglementaire que réalise l’agriculteur au cours de sa saison culturale, GEOFOLIA mesure l’IFT de la culture sur la parcelle et permet de le comparer à l’IFT cible. Grâce à cet indicateur, l’agriculteur va pouvoir piloter sa réduction d’usage de produits phytosanitaires et mesurer l’impact de ses changements de pratique. Pour que les données de comparaison soient toujours correctes, nous avons développé des API qui permettent en temps réel de mettre à jours les jeux de données issus des ministères (IFT, notamment) ou des organismes assurant le suivi des homologations des produits phytosanitaire (dose réglementaire, délai de traitement, etc.). »

Quelle technologie avez-vous développé pour aider les agriculteurs et les organisations dans le processus certification ?

Cécilia GORET : « Nous avons développé nos technologies sur deux axes principaux. Le premier est d’aider tous les prestataires de certification HVE (coopérative, négoce, AGC, indépendants, etc.) qui ont une problématique importante : la récupération de l’ensemble des informations nécessaires à la certification.  Nous avons lancé une technologie qui s’appelle GEOFOLINK qui permet aux agriculteurs qui le souhaitent de transférer les informations parcelles, de traçabilité, etc. directement au prestataire qui les accompagne sans effort de ressaisie. Il s’agit d’un gain de temps énorme et cela permet de se concentrer sur l’essentiel : les éléments de progrès à construire pour atteindre la certification.

Le deuxième axe est le développement d’outils d’aide à la décision que nous intégrons dans notre application GEOFOLIA. L’idée est de permettre à l’agriculteur d’observer des séries d’indicateurs, selon la problématique du moment, et d’avoir un accompagnement sur la prise de décision. Par exemple, l’OAD Maladie permet à l’agriculteur de ne traiter la culture que lorsque le seuil d’alerte est atteint. Cela permet dans bon nombre de cas de ne pas déclencher un traitement car le seuil d’alerte n’est pas atteint. Idem pour l’irrigation, où notre OAD permet de piloter le départ d’une irrigation quand la plante en a besoin compte tenu des données du sol. L’objectif est de déclencher au meilleur moment et d’économiser la ressource en eau. »

Nous connaissions la notion de traçabilité. Avec GEOFOLIA, nous comprenons que les données de traçabilité peuvent être transmises à d’autres. Mais, à l’échelle d’une certification collective, comment les agriculteurs partagent-ils leurs informations, leurs problèmes, leurs avancées ? Dans le monde agricole, nous connaissons bien la notion de groupe avec les coopératives, les CETAs… Mais, à l’échelle du numérique, comme la donnée peut-elle être traitée et partagée ?

Comment FARMLEAP est devenu un spécialiste de la certification collective HVE ?

Anaël BIBARD : « Notre offre est née sur l’idée de proposer une solution permettant au groupe d’agriculteurs de se comparer sur tous les leviers de la gestion d’une entreprise agricole et de progresser ensemble. Dès le départ, nous avons intégré dans notre plateforme la notion de triple performance : technique, économique et environnementale. Les groupes ou club d’agriculteurs peuvent ainsi se comparer et se challenger entre eux : c’est un outil de benchmark qui permet aux agriculteurs de s’inscrire dans une dynamique de progrès en s’inspirant de ce qui marche chez les collègues. Dans notre clientèle, nous avons avions déjà beaucoup de clubs et de GIEEs. Et, au fur et à mesure, ces groupes ont détourné l’usage de FARMLEAP en l’utilisant comme facilitateur de la certification HVE. Naturellement, nous avons fait évoluer notre service pour répondre à ce nouveau besoin. »

Concrètement, comme ça marche ?

Anaël BIBARD : « FARMLEAP va agréger toutes les données nécessaires à la certification. Dans le cadre d’une certification collective, l’auditeur interne du groupe, se connecte à FARMLEAP et visualise la totalité des informations et peut questionner l’agriculteur sur les données manquantes ou bien sur des précisions à ajouter en vue de la certification. De plus, FARMLEAP est interconnectable avec des logiciels de traçabilité, comme GEOFOLIA d’ISAGRI, par exemple. Cette technique permet de récupérer l’intégralité de la traçabilité parcellaire et, des interventions phytosanitaires, par exemple, et ainsi calculer directement l’IFT en la comparant à l’objectif de la certification. Idem pour la fertilisation, l’irrigation ou la biodiversité. En plus, FARMLEAP va questionner l’agriculteur sur l’intégralité des points de la certification : tous les éléments de progrès que l’agriculteur aura mis en place seront consignés (ruches, haies, méthodes alternatives, etc.). Ces informations représentent environ 50 % des données nécessaires à la certification. C’est pour cela que nous avons développé un tableau de bord qui permettra à l’agriculteur de visualiser sa note par item et ainsi piloter les efforts à réaliser pour obtenir la certification. Chose qui nous semble importante, à tout moment si l’agriculteur le souhaite, il a la possibilité de partager ses données et d’observer les données des autres agriculteurs du groupe et ainsi échanger sur les méthodes de progrès mises en place et leurs résultats. C’est un véritable catalyseur de changement de pratique et le fait d’avoir des indicateurs comparatifs est un véritable plus pour le pilotage de son changement. »

Combien de projet de certification avez-vous mené et combiens d’agriculteurs utilisent votre technologie ?

Anaël BIBARD : « Nous avons plus de 3 000 agriculteurs qui utilisent quotidiennement FARMLEAP dont 300 qui sont dans un processus de certification collective. Nous travaillons avec des organisations de différents types pour la certification HVE mais pas uniquement : L’Association PINK LADY EUROPE, SYNGENTA, BANQUE POPULAIRE OCCITANE, MC DONALD’S FRANCE, GAÏAGO, etc. »

Merci à tous les 3 pour cette immersion dans la certification collective et maintenant, prêtons-nous au jeu des propositions qui permettront d’améliorer les conditions de développement de la HVE en France :

La proposition de Ghislain LEPRINCE :

Lancer une campagne de communication sur la HVE en collaboration avec le Ministère de l’agriculture

La proposition d’Anaël BIBARD :

Dans leur réflexion sur la certification HVE, les organisations agricoles doivent impérativement intégrer les opérateurs des filières.

A la semaine prochaine !

✍🏼 Un article de Laurent BERNEDE.

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